"Rien n'a plus de prix que la dignité humaine"

Discours de la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga Extrait :

Ce jour n’est pas un jour facile. 

C’est un jour important. … Mais quelle que soit l’importance que nous donnons à ce jour, il ne compensera pas les souffrances que vous avez endurées dans votre vie. ...

Nous sommes tous concernés. Car détourner le regard est aussi une forme d'action. Celui qui détourne le regard et ne veut rien savoir, refuse de regarder les choses telles qu'elles sont. Et rien n'est plus dangereux pour une société.

Une société qui ne se confronte pas aux épisodes désagréables de son histoire court cependant le risque de répéter les mêmes erreurs- aujourd'hui ou demain. La maturité d’une société se mesure au regard qu’elle est capable de porter sur son passé totalité du texte 

Cérémonie de commémoration pour les anciens enfants placés de force et les autres victimes de mesures de coercition à des fins d’assistance, Berne, le 11 avril 2013 

au delà des mots : des images

Ils ont dit ?  et si pour une fois nous laissions les mots de côtés, pour laisser parler les formes et les couleurs.

place aux artistes : le blog art misère et engagement

Art, misère, engagement. Un blog tout en couleurs, poésies et interrogations sur l'extrême pauvreté dans le monde. Un blog sur la nécessité de l'engagement personnel. Des témoignages sur la lutte, l'espoir, la joie et la force de la vie.

j'ai aussi aimé la démarche de Urs, un Suisse exilé quelques années à Toronto où il a beaucoup peint, dehors

Dehors, été comme hiver, je peins les immeubles et les maisons de personnes qui luttent jour après jour pour vivre en paix. Je me situe au cœur de quartiers où la violence et l’exclusion sociale sont ressenties, de telle façon que je puisse apprendre directement des gens qui y vivent quelle est l’expérience de leur communauté.

une vidéo ... mais en anglais

" Le beau chemin vers soi "

« On a besoin de la culture, en même temps que du pain. Pas avant, pas après, en même temps. » Joseph Wresinski

Bernadette de Boysson:  "J'avais à peine dix ans quand ma grand-mère paternelle m'a fait visiter une exposition sur Goya. Enthousiasmée par la beauté des œuvres et me faisant partager son plaisir d'une manière un peu bruyante, elle s'attira les réprimandes des autres visiteurs...

Je me souviens d'avoir éprouvé en même temps deux sentiments : l'un était ma joie d'avoir pu regarder ces tableaux et les aimer avec ma grand-mère ; l'autre était la honte de son attitude qui avait provoqué un rejet, comme une exclusion, à laquelle je fus très sensible, puisque je m'en souviens encore.

Ce deuxième sentiment, je le retrouve dans mes visites avec le Quart Monde, quand je sens sur mon groupe le regard des visiteurs (« mais que font ces gens dans un musée ? »).

… Au cours d'une autre visite où nous sommes restés particulièrement longtemps devant un immense tableau très clair, ensoleillé, une des femmes du groupe s'est retournée vers moi et m'a dit avec un large sourire : « C'est comme si je mangeais ! » Cette femme illustrait par sa parole, l'idée forte du père Joseph.

… Une ou deux fois, un de mes visiteurs m'a dit qu'en voyant un paysage près de Bordeaux, il avait pensé à un tableau du musée et que, du coup, il avait été plus sensible à ce paysage."  Totalité de l'article

In Bernadette de Boysson. «Les visiteurs ». Revue Quart Monde, N°164 - "Le beau, chemin vers soi"


Victor Hugo: "Sur la misère: je dis « détruire. » "

Je voudrais que cette assemblée, majorité et minorité, (n’importe, je ne connais pas, moi, de majorité et de minorité en de telles questions), je voudrais que cette assemblée n’eut qu’une seule âme pour marcher à ce grand but, à ce but magnifique, à ce but sublime, l’abolition de la misère !      (Victor Hugo, intervention à l'Assemblée législative française, le 9 juillet 1849 -)

Extrait (1/2 page)     . Texte intégral ici

Il y a des mots qui vous honorent, d'autres qui vous anéantissent

« Il y a des mots qui vous honorent, vous grandissent, et d’autres qui vous réduisent, vous anéantissent. C’est avec ces derniers que je me suis forgée. Je suis née en milieu de pauvreté, j’ai grandi de bidonvilles en cité dortoirs. C’est à l’école que je me suis rendu compte que l’on pouvait n’être considéré qu’à partir de sa position sociale. La mienne portait l’étiquette pauvre, je dirais même « mauvais pauvre ».  la suite

Ils ont dit ...

Un "levier pour lutter contre la pauvreté et la délinquance"

Dans votre journal télévisé, la journaliste a parlé d'un "levier pour lutter contre la pauvreté et la délinquance..." Cet amalgame entre pauvreté et délinquance est une atteinte à la dignité de tous ceux qui souffrent de la violence de la misère et auxquels on inflige l'humiliation de les assimiler à des délinquants. Je demande que la journaliste ait le courage de se rétracter afin que cesse ce dramatique amalgame"            Bernard J   France

On ne nous permet pas d'être parents

  Je connais un couple à qui l’on a enlevé l’enfant  dès sa naissance. L’assistante du médecin a  téléphoné à l’Office de la jeunesse et leur a dit  qu’une handicapée mentale a donné naissance à  un enfant. Le père présent pourtant, n’a pas été pris en compte, il n’inspirait pas confiance et le couple n’était pas marié.

Evi raconte : « On m’a fait une césarienne et je n’étais pas encore remise de la narcose, que déjà on parlait d’avoir trouvé une famille d’accueil pour l’enfant. J’étais en état de choc et, dans ma colère, je leur ai lancé à la tête les pires injures. Plus tard je me suis excusée, même si mon désespoir et ma rage ne s’étaient pas calmés.

Aujourd’hui, avec un avocat, je me bats encore et toujours pour que mon partenaire et moi puissions reprendre notre enfant. Nous nous battons aussi pour que le père ait l’autorité parentale, comme moi. Je me fais du souci pour ma santé, et si je venais à disparaître, nous ne voudrions pas que des étrangers obtiennent la garde de notre enfant si le père était encore là. Il faut donc qu’il obtienne l’autorité parentale, lui aussi.

Toutes ces démarches auprès de la justice coûtent. Chaque document, chaque requête coûte et pas des clopinettes, mais beaucoup d’argent. Et cela devient très difficile de « mendier » de l’argent un peu partout. Mais de quoi pourrions-nous vivre jusqu’à la fin du mois ? Le droit devrait être de notre côté et ne pas dépendre de l’argent !

Le Conseil fédéral veut présenter ses excuses aux « Verdingkinder » (littéralement « enfants mis au concours ») des années 1920 à 1970. Mais à nous, à quoi ça nous sert ? Ils enlèvent quand même encore toujours les enfants aux pauvres !

On m’avait bien proposé d’aller vivre avec mon enfant dans un foyer pour mère et enfant. Pour notre fils, nous voulons être présents comme parents tous les deux. Mais de tels lieux d’accueil pour père et mère n’existent pas. On ne nous donne aucune chances de devenir des parents. Nous aimons notre enfant. Nous voudrions l’accompagner et le voir grandir, connaître ses bobos, ses rires… et tout simplement apprendre tout ce qu’il faut pour devenir de bons parents.

Plus tard, que va devenir notre enfant s’il ne sait pas d’où il vient, à quelle histoire il appartient? Et Dieu sait ce qu’on ira lui raconter à notre sujet. Quand un enfant est aimé, il faudrait qu’il puisse grandir auprès de ses parents.

Si nous avons l’impression si forte qu’on ne nous laisse aucune chance, c’est que tous nos efforts sont ignorés.

Victor Hugo, intervention à l'Assemblée législative française, le 9 juillet 1849 - EXTRAIT

Je voudrais que cette assemblée, majorité et minorité, (n’importe, je ne connais pas, moi, de majorité et de minorité en de telles questions), je voudrais que cette assemblée n’eut qu’une seule âme pour marcher à ce grand but, à ce but magnifique, à ce but sublime, l’abolition de la misère !      

" La misère, messieurs, j’aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir où elle en est, la misère ? Voulez-vous savoir jusqu’où elle peut aller, jusqu’où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas  au Moyen Age, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Voulez-vous des faits ?  (L’orateur s’interrompt)  Mon Dieu, je n’hésite pas à les citer, ces faits. Ils sont tristes, mais nécessaires à révéler. Et tenez,  s’il faut dire toute ma pensée, je voudrais qu’il sortit de cette assemblée, et au besoin j’en ferai la  proposition formelle, une grande et solennelle enquête sur la situation vraie des classes laborieuses  et souffrantes en France. Je voudrais que tous les faits éclatassent au grand jour. Comment veut-on  guérir le mal si l’on ne sonde pas les plaies ? ../... 

Eh bien, messieurs, je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être. Je dis que la société doit  dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour que de  telles choses ne soient pas ! Je dis que de tels faits, dans un pays civilisé, engagent la conscience de  la société tout entière ; que je me sens, moi qui parle, complice et solidaire (mouvement) et que de  tels faits ne sont pas seulement des torts envers l’homme, que ce sont des crimes envers Dieu ! (Sensation prolongée)

Voilà pourquoi je suis pénétré, voilà pourquoi je voudrais pénétrer tous ceux qui m’écoutent de la haute importance de la proposition qui vous est soumise. Ce n’est qu’un premier pas, mais il est décisif. Je voudrais que cette assemblée, majorité et minorité, (n’importe, je ne connais pas, moi, de majorité et de minorité en de telles questions), je voudrais que cette assemblée n’eut qu’une seule  âme pour marcher à ce grand but, à ce but magnifique, à ce but sublime, l’abolition de la misère ! "

Texte intégral ici

« Il y a des mots qui vous honorent, vous grandissent, et d’autres qui vous réduisent, vous anéantissent. C’est avec ces derniers que je me suis forgée. Je suis née en milieu de pauvreté, j’ai grandi de bidonvilles en cité dortoirs. C’est à l’école que je me suis rendu compte que l’on pouvait n’être considéré qu’à partir de sa position sociale. La mienne portait l’étiquette pauvre, je dirais même « mauvais pauvre ».


C'est avec ces mots que Martine Le Corre, militante d’ATD Quart Monde à Caen, a eu l’honneur d’inaugurer le Festival du Mot ( en France). Elle poursuit

" Avec ma famille et avec celles dont nous partagions le quotidien dans notre cité d’urgence, j’ai vécu la relégation, l’humiliation, les séparations, les expulsions, l’exclusion, l’isolement, le jugement, le rejet, la honte, la peur, le mépris.

Tous ces mots, chacun de ces mots, ont eu des effets sur ma vie, mon histoire. C’est avec le poids de chacun de ces mots que j’ai tenté de grandir. Nous n’étions pas traités, considérés comme les autres. J’avais une totale conscience de cela, mais je me sentais impuissante. Tous ces mots ont eu raison de moi. J’ai fini par les intérioriser, par croire que ma vie ne valait pas grand chose, que je ne valais pas grand chose, que j’étais une idiote, une « pas comme les autres », une « a-sociale », une ratée, une pauvre et rien qu’une pauvre !

Je me suis résignée me disant que j’étais née du mauvais côté de la barrière. Je n’avais pas les codes de l’autre monde. Je n’avais pas les mots pour dire l’injustice, les mots pour dénoncer, je n’avais pas les mots pour me défendre. Alors que j’avais 18 ans, j’ai rencontré un homme, le Père Joseph Wresinski, qui avait lui-même vécu la grande pauvreté. C’est lui qui a fondé le Mouvement ATD Quart Monde, au cœur d’un bidonville, à Noisy-le-Grand, en France. Enfin un défi de taille, à mener avec d’autres, et avec, comme seule boussole, le plus pauvre d’entre nous !

C’est alors que j’ai osé, parlé, écouté, dénoncé, revendiqué, exprimé, contrôlé mes propos, réfléchi, appris à croire que je n’étais pas une nulle, que mon milieu était porteur de valeurs.

C’était des nouveaux mots qui prenaient sens dans ma vie et pouvaient aussi se transformer en actions.

Je me suis découverte intelligente, entreprenante, battante. J’ai découvert cette notion de milieu, de mon milieu, et j’ai compris combien il était important de ne pas profiter seule de mes découvertes. J’ai compris que la misère n’était pas fatale, j’ai appris à mettre des mots sur tout cela. J’ai senti que nous étions des hommes, des femmes debout, que nous avions du courage, une expérience, une endurance, une résistance, une intelligence, un savoir, du bon sens, une espérance. Tous ces mots que, jusque là, je ne m’autorisais pas à m’approprier. Et c’est là que j’ai trouvé le pouvoir de vivre ce que j’avais mis si longtemps à gagner… la liberté, ma liberté.

La liberté de ne plus dépendre du bon vouloir de l’autre, la liberté de dire et d’être qui je suis vraiment, la liberté d’être fière de mon histoire, de mon milieu, la liberté de faire des choix, la liberté d’oser. Cette liberté, ces libertés que l’on supprime, que l’on nie trop souvent à ceux que l’on considère moins que soi-même. Aujourd’hui, je veux cette liberté pour chacun des miens, où qu’ils soient, et cela nous concerne tous. »

 

publié dans 'feuille de route' décembre 2012

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