Témoignages
A l'occasion du 17 octobre, Journée mondiale du refus de la misère,
en 2005 ont été publié des Récits de courage et de résistance (PDF, 247 K)
en 2006 transmettez-nous votre témoignage ou votre message,
il sera publié ici.
Témoignages reçus :
- Voir les efforts - témoignage collectif (canton de Genève)
- Témoignage de Marie-Lucie pour le 17 octobre 06 à l'ONU Genève (Haïti)
- TémoignagesPoème pour le 17 octobre 06 à l'ONU Genève (Chambéry, France)
- Le droit au logement est important (canton de Fribourg)
- Des combats à mener la tête haute (canton de Fribourg)
- Ce n'est pas toujours facile (canton de Neuchâtel)
- Je vais économiser sur la nourriture (canton de Fribourg)
Voir les efforts
Témoignage collectif pour le 17 octobre 2006 à l’ONU
Nous sommes un groupe de personnes qui participons à l’Université populaire Quart Monde de Suisse et nous voulons témoigner aujourd’hui, en ce 17 octobre, de ce que nous vivons et voyons autour de nous.
En Suisse, la pauvreté existe, mais elle est souvent cachée car les gens en ont honte. Les personnes vivant la pauvreté se démènent chaque jour pour y faire face, mais cela ne se voit pas. Ce qui se remarque, ce sont les moments de découragement, les démarches pas faites à temps, les manques, les échecs. Ce qui est rarement vu ce sont leurs efforts, les progrès qui ont l’air si petits, mais qui dans un contexte de vie difficile, ont demandé d’énormes efforts.
Un certains nombres de prestations sociales qui permettent juste de vivre ont été diminuées. Il faut toujours plus de papiers pour prouver qu’on a droit à ces prestations. Et plus la vie est difficile, plus c’est compliqué de rassembler tout ces papiers. Nous voulons témoigner de cette vie impossible, quand l’argent manque pour payer le loyer, l’électricité et même les affaires scolaires des enfants. Les dettes s’accumulent. C’est très dur de vivre avec la menace d’être expulsé : ou va-t-on aller ? Il y a tellement peu de logements disponibles. L’angoisse nous mine la santé, certains maigrissent de 10 kg, d’autres grossissent, certains se mettent à boire pour oublier leurs soucis. Et en plus il faut affronter le regard des autres, qui pensent que tout cela est de notre faute, on n’a qu’à travailler !
Quand l’électricité est coupée, il faut trouver le courage d’aller faire les lessives à l’extérieur du quartier où se trouve le salon lavoir le plus proche. Il faut plus souvent aller faire les commissions, car le frigo ne marche pas et les restes de nourritures sont plus vite perdus. Recevoir le weekend ses enfants placés en foyer devient très difficile quand il n’y a plus d’électricité, pas de télé et qu’en plus on n’a pratiquement plus d’argent pour les nourrir et encore moins pour leur proposer des activités.
Une maman qui a vécu elle même le placement dans son enfance en a beaucoup souffert. Elle n’avait aucune envie que ses enfants soient placés à leur tour, mais elle a quand même demandé le placement de ses adolescents, pour qu’ils aient un avenir. Certains disent qu’elle se décharge sur les autres, qu’elle est incapable de s’occuper de ses enfants. Mais que sait-on de ce qu’elle fait chaque jour, de comment elle se bagarre avec ses adolescents pour les faire aller à l’école alors qu’ils trainent avec les autres jeunes du quartier le soir, se laissent entrainer à consommer de l’alcool et de la drogue, ou à voler ? Comment peuvent-ils voir un avenir possible quand les parents n’arrivent pas à trouver du travail, quand les grands frères sont sortis de l’école sans qualification, et qu’aucun n’a réussi à trouver ni travail, ni logement ? Leur cohabitation avec les parents crée des tensions. Malgré tout, les parents continuent à chercher comment soutenir les jeunes pour qu’ils aient un meilleur avenir qu’eux.
Un autre jeune que nous connaissons a enfin trouvé un travail, il est subventionné par le chômage, mais la subvention diminue progressivement. Le jeune s’accroche, il vient dès que son patron a besoin de lui, il aimerait continuer à travailler à plein temps pour résorber ses dettes, mais il est passé à mi-temps et quand il n’y a plus d’aide du chômage il apprend qu’il va être licencié. D’autres jeunes font la même expérience. Ce jeune qui va être licencié va voir l’assistante sociale qui lui dit qu’elle ne peut l’aider que s’il n’a plus rien, ni travail, ni logement. Il est découragé. Sa mère, qui n’a pas grand chose pour vivre, continue à le soutenir le plus possible, elle lui donne autant d’argent qu’elle peut, elle ne sort plus, car elle n’a plus le sou.
En tant que parents, nous sommes très préoccupés par l’avenir de nos enfants, de nos jeunes. Nous nous réunissons en Université populaire Quart Monde et nous nous encourageons. Nous cessons de nous sentir coupables de notre pauvreté et de nos difficultés de parents. Nous retrouvons un sentiment de valeur et une force pour continuer à nous battre.
Nous apprenons les uns des autres et les personnes extérieures que nous invitons à nos Universités populaires Quart Monde apprennent aussi de nous. Ainsi nos rencontres avec l’Ecole des parents ou des enseignants ont contribué à changer leur manière de voir les personnes ayant la vie difficile. Cela a modifié leur manière d’accueillir les parents, de leur parler et de les informer. Ils cherchent aussi maintenant à mobiliser les institutions dans lesquelles ils travaillent.
Nous avons envie de rencontrer encore d’autres personnes qui comme nous sont engagées à chercher comment faire pour ne laisser personne sur le côté, en particulier les jeunes qui sont sortis du système scolaire sans avoir un niveau suffisant en lecture et en écriture. Ils sont 17 pour cent à Genève. Nous voulons croiser notre expérience avec celle des personnes engagées dans différentes organisations pour que les jeunes aient un autre avenir que l’aide sociale, l’AI ou la prison.
Nous voulons un bel avenir pour tous à construire avec chacun de vous !
(canton de Genève)
Témoignage de Marie-Lucile, Port-au-Prince (Haïti) pour le 17 octobre 06 à l’ONU Genève
J’ai 4 enfants, parfois je me lève le matin sans un sou dans la main pour leur donner à manger, c’est cela qui est le plus difficile pour moi. Je suis une petite marchande, je vends tout ce que je trouve. Mais le problème, c’est que je suis obligée de faire un commerce à la criée, en marchant dans les rues, car mes moyens ne me permettent pas d’avoir un commerce, installé quelque part. Je travaille pour être autonome, je me bats toujours pour ne pas avoir à demander : même si ce que je gagne est petit, cela me permet de rester fière. Mon mari est ébéniste, c’est une activité qui pourrait nous aider mais qui ne suffit pas parce qu’il n’y plus beaucoup de touristes qui visitent le pays. Tu dois vendre à des revendeurs qui ont des boutiques et qui achètent à un très petit prix.
J’ai deux enfants qui ne vont déjà plus à l’école parce que je n’ai pas d’argent dans mes mains. L’école, c’est une chose importante dans la société ; si tu ne sais pas lire, tu souffres, tu vis plus mal. Un enfant, dès que tu le mets à l’école et que l’enfant travaille bien, demain si Dieu veut, c’est lui-même qui sera ton bâton de vieillesse. Nous parents, nous devons faire l’éducation de nos enfants, les mettre à l’école si nous pouvons, pour qu’ils apprennent un métier, pour qu’ils travaillent demain, pour qu’ils ne vivent pas les mêmes situations de misère que nous, pour qu’ils ne vivent pas mal.
Et aussi si nous sommes parents, il faut que nous parlions à nos enfants, il y a une série d’amis, de groupes qu’ils ne doivent pas fréquenter, parce qu’ils peuvent trouver la mort. Il faut que nous soyions compréhensifs avec eux, leur faire comprendre aussi pour qu’ils ne fassent pas certaines choses, pour qu’ils soient capables de bien vivre dans la société.
De jours en jours, je vois que le pays va plus mal ; tu n’oses plus sortir, tu n’oses plus marcher dans la rue, tu vas te coucher, tu as peur, tu es obligé de ne pas savoir ce que tu dois faire !
Ce qui fait la dignité d’une personne, c’est le sérieux : une chose que tu sais que tu ne dois pas faire, c’est mentir : tout ce que tu dis, il faut que ce soit clairement dit. Pour vivre mieux avec ses voisins, il faut que tout le monde se mette ensemble, que nous ne fassions pas de division. Entre voisins, nous souffrons l’un pour l’autre, le voisinage, c’est notre drap blanc, notre protection. Riches et pauvres, tout le monde ensemble doit collaborer, nous devons faire la paix, pour combattre ensemble la misère.
Poème de Chambéry (France) pour le 17 octobre 06 à l’ONU Genève
Tu es né dans la misère,
Ce qui t’a apporté galère
Et vie éphémère.
Pour te consoler
Tu as dû emprunter
Les chemins de l’amour
Ce qui leur a permis
De te forger
Alors tu les as affrontés
Avec dignité
Laisse les parler
Tout en te faisant respecter
Joan
Le droit au logement est important
La pauvreté en Suisse est plus cachée qu’ailleurs. Le droit au logement est important.
Je dois déjà m’aider moi-même, mais j’aide aussi des amis ou de la famille quand ils en ont besoin, par exemple en les hébergeant quand ils se retrouvent sans logement. C’est normal.
Quand on se bat, c’est aussi et surtout pour le bien des enfants. On leur montre que même si on n’a pas grand chose, on peut malgré tout s’entraider.
Il faut que les enfants aient au moins le minimum. Mais pour nous, le minimum, c’est déjà le maximum.
Mme C. (canton de Fribourg)
Des combats à mener la tête haute
Quand on dépend de l’assistance sociale ou de l’AI, on subit des atteintes à la sphère privée. Par exemple, quand mon fils était petit, il était suivi par la Société Protectrice de la Jeunesse.
On me dictait comment je devais m’en occuper. Une fois que j’étais convoquée à leurs bureaux j’ai mis mon fils sur la table avec les couches à côté et j’ai demandé à l’employé qu’il mette lui-même les couches à mon enfant. Il en a été incapable.
L’important c’est d’avoir quelqu’un en particulier avec qui parler et avoir autour de soi un réseau qui permet de se passer des informations. Par exemple un ami m’a dit qu’il fallait que je me renseigne pour les transports publics qui seraient peut-être moins chers pour moi étant donné que je suis à l’AI. Je ne le savais pas et c’est lui qui m’en a informé.
Dans ma famille on est militant de génération en génération. On a un esprit de révolte permanent. Et aussi je crois dans une société meilleure. Ça m’a permis de continuer à me battre pour mes droits quand aucune institution ne m’aidait. Je fais aussi des recherches sur Internet à propos des lois ou de termes médicaux spécialisés qu’on ne m’a pas expliqué.
Mme A. (canton de Fribourg)
Ce n’est pas toujours facile
Les transports publics sont trop chers. Je dois faire les trajets à pied pour économiser. Alors contre bon gré mal gré je me dis que c’est bien pour la santé de marcher. J’essaie de prendre le bon côté des choses, mais ce n’est pas toujours facile.
Quand j’ai eu besoin d’un coup de main pour écrire une lettre administrative, un CV ou autre pour moi ou mon fils, je me suis renseignée au Centre social protestant et maintenant encore j’y vais si j’en ai besoin.
Mme B. (canton de Neuchâtel)
Je vais économiser sur la nourriture
C’est horrible de tomber en dépression. On ne peut pas s’en sortir tout seul. J’ai eu de la chance d’avoir du monde autour de moi. A un moment, j’étais enfermée dans moi. Le psychologue m’a aidée à faire sortir tout ça. J’ai très bien vu que j’en avais besoin et je n’ai pas refusé de l’aide. Maintenant il me faudra le payer 40 francs par mois, et j’ai décidé que je vais économiser sur la nourriture pour pouvoir le faire.
Je suis malade, j’ai plein de remèdes, mais je me dis que je ne suis pas malade. J’ai mal mais je me dis que je n’ai pas mal. Autrement on n’avance pas. Mais ça ne vient pas tout de suite, il faut beaucoup y travailler.
Mme D. (canton de Neuchâtel)